Faire le point
L’autre soir, je réfléchissais un peu à ma vie. Pas au sens de la vie, ni aux grandes questions métaphysique, mais tout simplement à MA vie.
Je pensais au chemin parcouru, où j’en suis rendu, ce que j’ai fait, ce que je n’ai pas fait, ce que j’ai choisi, ce que je n’ai pas choisi, ce que je possède, ce que je ne possède pas, etc. Vous voyez un peu le portrait…
Bref, un peu comme à toutes les années qui se terminent et où l’on trace un bilan. Je me fixe toujours quelques objectifs pour orienter mon année, mais jamais de grandes résolutions tenant plus de souhaits à l’univers que d’un projet réaliste bien structuré!
Par contre, dans mon cas, s’opérait aussi un changement de dizaine, ce qui offre un second incitatif à réfléchir à la prochaine décennie!
À ce stade, le constat un peu surprenant et atypique auquel j’arrive est que si ce n’était pas de quelques facteurs ou de certains points d’ancrage assez solides je pourrais vivre dans la rue. D’ailleurs, j’ai déjà un peu la tronche… M’ouais.
Oh think twice, because it's just another day for you and me in paradise
Je sais que ça étonne, dis de même, mais je suis très sérieux.
Je vous explique pourquoi.
Chance #1
Depuis tout jeune, je n’ai jamais eu de grand plaisir à fréquenter l’école.
Tout d’abord, parce que cela m’obligeait à quitter mon domicile, me lever tôt pour suivre un horaire stricte, respecter un certain code vestimentaire, côtoyer d’autres personnes que je ne choisissais pas, suivre le cursus pédagogique imposé, bref, à accepter de vivre beaucoup de petites brimades à ma liberté et de contacts sociaux forcés pour le jeune homme réservé et solitaire que j’étais à l’époque et que je suis encore.
C’est difficile à expliquer, mais c’est une certaine forme de torture mentale et de supplice de la goutte d’eau. Je ne peux pas vous dire à quel point ça m’a débiné qu’on m’impose de faire des exposés oraux et de l’art dramatique devant la classe…
Tu n’aimes pas les olives noires? Ok, parfait, alors te voici obligé d’en avaler une grosse canne en entier sur le champ!
Je n’ai jamais pensé à lâcher l’école parce que je réussissais correctement, j’aimais bien apprendre, de façon générale, et j’avais de l’aide à la maison pour mes leçons et devoirs, mais entre vous et moi, j’aurais préféré rester chez moi à faire mes trucs (et aussi pouvoir me lever plus tard le matin)!
Chance #2
Une fois rendu sur le marché du travail, j’ai eu l’opportunité de trouver un emploi sur la ferme familiale, où je pouvais travailler en solitaire, et dans un environnement favorisant mes capacités sans avoir un patron sur les talons ni suivre des réglements strictes d’entreprise.
En prime, avec le temps, j’ai réussi à mettre sur pied mon entreprise saisonnière me permettant de gagner mon argent sur 6 mois puis de pouvoir me concentrer sur d’autres projets et aspects de ma vie durant l’hiver.
Chance #3
Lors de mon adolescence, j’ai vécu une grosse déprime et eu une traversée du désert suite à ma première rupture amoureuse douloureuse à l’âge de 17 ans. Je pensais alors de finir ma vie seul… Ça démontre à quel point notre champ de vision et de réflexion est parfois rétréci lorsque ça va mal! On se concentre trop sur nos maux à court terme et on fait l’erreur d’extrapoler ça dans le futur.
Lorsque j’y repense, j’ai probablement fait une dépression. À l’époque, je n’ai pas vraiment demandé d’aide et je m’en suis sorti avec le temps, lorsque les blessures ont cicatrisées.
Je n’ai jamais été quelqu’un de populaire, athlétique ou charismatique, alors forcémment c’est plus difficile de rencontrer des membres de la gente féminine dans ces conditions.
Par contre, les circonstances ont fait que j’ai rencontré ma conjointe actuelle 4 ans plus tard. On est ensemble depuis bientôt 10 ans et je n’y aurais jamais crû auparavant.
C’est ben pour dire!
Chance #4
Par la suite, j’ai eu l’opportunité d’être sensibilisé tôt, grâce à mon père, à l’entrepreneuriat et à l’investissement boursier. Cela m’amena à m’y intéresser progressivement et commencer à faire fructifier mon argent dès mon jeune âge.
Durant mes études secondaires, j’avais quand même réussi à mettre de côté quelques milliers de dollars et les investir dans des fonds communs de placement avec l’aide d’un conseiller financier.
Pas pire pour un jeune!
Au cours de mes études universitaires, mon père m’a aussi aide à partir ma propre petite entreprise de déneigement.
Chance #5
Je n’ai jamais été une personne qui éprouvait un besoin matériel insatiable.
Au contraire, pour moi, l’équation est simple: posséder moins, c’est avoir plus!
Moins d’objets = plus d’argent, plus de temps et plus de liberté!
Lorsqu’on porte moins attention à l’aspect esthétique des choses et qu’on se concentre davantage sur les aspects fonctionnels et pratiques de ceux-ci, rapidement le qualitatif prend le dessus sur le quantitatif. Après réflexion, on se rend compte qu’on a pas besoin de grand-chose pour réussir à vivre convenablement, voire fort bien.
C’est important de briser le cycle du schème de pensée du: «J’achète, donc je suis» qui procure un sentiment de satisfaction éphémère, mais une implication financière négative et pernicieuse à long terme.
Chance #6
Prendre un coup, comme on dit en bon québécois (Tokébecicitte), a toujours fait parti de nos traditions familiales! Par contre, on n’est pas des animaux, alors on ne boit pas avant 10h! Du bord de mon père, plusieurs membres de ma famille (oncles, grand-père, cousins) sont des alcooliques fonctionnels. Malgré ça, ceux-ci ont connu ou connaissent de belles carrières et du succès en affaire! En fouillant un peu, j’ai retrouvé une photo sur laquelle mon papi me fait boire des petites gorgées de sa bière à ma fête de 7 ans! Dans le temps, en région, c’était normal!
Le problème c’est que j’y ai pris goût et que, depuis mon enfance, j’ai toujours bien aimé la bière! Je me souviens encore que, pendant le temps des fêtes, je me faufilais discrètement dans la chambre froide au sous-sol pour piger dans la caisse de 24 de Laurentide du grand-père! Cependant, vers 12-13 ans, après une bonne journée de travail, à rentrer son bois de chauffage, celui-ci nous offrait la bière! Pour lui c’était normal, car dans son temps, à cet âge, les garçons commençaient à prendre des responsabilités d’Homme! Les responsabilités arrivaient plus tôt dans la vie.
Par contre, ce n’est pas le breuvage le plus santé vous en conviendrez. On est loin de la petite tisaine Orange Pekoe en soirée, pendant la partie de Crible, devant le feu de foyer!
De fil en aiguille, j’ai développé un réflexe de boire un peu à tous les soirs, seul ou accompagné, et de plus en plus par habitude plutôt que de façon occasionnelle et circonstancielle.
Ouin, vous commencez à comprendre…
Avec le temps, je trouvais ça un peu problématique et vers la mi-octobre je me suis dis que j’allais prendre une pause d’alcool pour reposer mon corps.
D’ailleurs, je suis toujours dans cette pause et j’ai été capable de «décrocher» sans trop de difficulté, mais avec beaucoup de volonté quand même. Pour le moment, j’y vois plus d’effets positifs que négatifs. Entre autre, la qualité de mon sommeil s’est considérablement améliorée.
Cependant, je me suis rendu compte que l’alcool me servait d’exutoire et me permettait de contenir une certaine forme d’énergie puissante en moi que je n’étais plus en mesure de libérer grâce au sport suite à ma blessure au dos en 2016… L’écriture et la marche me permettent d’évacuer un peu ça, mais je devrais trouver d’autres moyens également de gérer le tout à long terme.
Quel avenir?
Fondamentalement, je ne suis pas une personne fait pour vivre et m’émanciper en société selon les attentes ou les standards de cette dernière et au rythme qu’elle impose.
Je me sens bien lorsque je suis dans des situations familières, dans un environnement connu et avec un nombre limité de contacts sociaux. Trop d’interactions dans une journée m’épuise et me draine beaucoup d’énergie
À la base, je suis juste un gars qui veut faire les choses qui l’intéressent, à sa façon, à sa vitesse, dans son environnement et sans se faire écoeurer!
Or, dans la société où nous vivons, ce que le 8 à 4 et le métro-boulot-dodo nous impose n’est pas conçu pour moi. C’est pour ça que j’aurais de la difficulté à m’épanouir comme employé (numéro) dans une entreprise traditionnelle.
Sans vouloir stigmatiser ou catégoriser les gens vivant dans la rue, mon désir de liberté, mon dédain des conventions sociales, ma profonde nature solitaire, ma libre expression, ma difficulté à entretenir des contacts sociaux, mon inconfort à me confier ou demander de l’aide et mon amour de la picole font de moi un bon potentiel candidat à vivre dans la rue, pauvre monétairement parlant, mais libre dans ma tête et de mon temps.
Alexandre le rencontrant un jour lui dit : « Je suis le grand roi Alexandre ». Diogène alors se présenta : « Et moi, je suis Diogène, le chien. » On lui demanda pourquoi il était appelé le chien : « parce que je caresse ceux qui me donnent, j’aboie contre ceux qui ne me donnent pas, et je mords ceux qui sont méchants.
Diogène de Sinope
Par contre, pour le moment, ce n’est pas le cas et je crois que je dois remercier ma bonne étoile, d’une certaine façon, mais je ne prends rien pour acquis, car tout part en couille parfois si vite dans la vie! Comment se finira cette histoire? Je n’en ai aucune idée! De temps en temps, la vie nous surprend.
Par contre, même si je me sens globalement en contrôle, je vous mentirais si je vous disais que je n’ai pas un peu peur.
Lorsque j’étais gosse, mon premier boulot consistait à ramasser les canettes vides. Qui sait, un jour, si jamais vous me croisez avec mon chien au coin d’une rue, à demander du change aux passants, ayez une petite pensée pour moi et soyez indulgent!
Après tout, j’aurais déjà été l’un des vôtres!
Votre humble serviteur,
Jean-Philippe Jacques
Max, ton texte nous montre bien à quel point nous ne sommes qu’à 2 doigts parfois de tout perdre et de devenir sans abris, alors que 1-2 décisions peuvent avoir des conséquences terribles sur notre vie. C’est la raison pourquoi il faut essayer d’avoir de la compassion pour ceux qui le sont, car ils ont sûrement des épreuves difficiles dans leurs vies.
Tu touches un sujet qui me touche beaucoup avec ta dépression, pour l’avoir déjà vécu vers 23 ans. C’est fou comment notre cerveau semble arrêter de penser, comme si les connexions ne se faisaient plus et que le négativisme devient omniprésent. Je me souviens d’avoir été 6 mois sans être capable de faire plus que 10 min de vélo stationnaire (moi qui est un grand sportif). Je dois bien avouer que c’est une cause qui me tient bien à coeur pour l’avoir déjà vécu. Mais nous sommes des hommes, je dois dire que nous avons beaucoup de problèmes à externaliser nos sentiments et reconnaitre notre détresse.
Aussi, l’alcoolisme est souvent beaucoup trop banalisé. Faire boire de l’alcool à un jeune de 7 ans, cela ne se fait plus de nos jours (scandale!)! Pour avoir plusieurs cousins habitant en région, j’ai l’impression que c’est une pratique quand même plus répandue, mais j’espère que c’est moins pire aujourdhui!
Maxime
En effet, ce ne sont pas des sujets simples ou faciles à aborder.
Après avoir écrit ce texte, je me suis questionné à savoir si je le publiais ou pas parce qu’il y a des passages plus personnels. Finalement, je me suis dis que ça pouvait probablement rejoindre des gens ayant vécu des histoires similaires.
On est tous humains et dans une vie on fini par être pas mal confrontés aux mêmes problèmes et défis (maladie, séparation, pertes financières, pertes d’emplois, dépression, dépendances, stress et anxiété, pression de performance, etc.)
Face aux épreuves, on réagi tous différemment. Certains s’en sortent mieux que d’autres. Évidemment, le sans abris est une métaphore sociale qui frappe l’esprit et marque l’imaginaire énormément.
Fclr
Maxime, un bel article à coeur ouvert.
La vie c’est aussi ça, des périodes plus sombres. Ça te fait apprécier ensuite les périodes plus joyeuses.
Comme toi, j’ai détesté l’école pour des raisons assez similaires….
Je n’ai jamais compris cette technique du genre t’aime pas l’eau, donc on va te lancer dans le lac tous les jours jusqu’à ce que t’aime ça.
Moi aussi je détestais les oraux et dès que j’en ai eu la chance j’évitais les cours où il y en avait, je me portais malade ou je refusais de la faire quitte a perdre les 5 ou 10% de pondération que ça valait.
C’est vrai qu’une ou deux mauvaises décisions peuvent changer le cours d’une vie. Heureusement, le contraire est vrai aussi.
Et on est en train de le prouver. Un homme peut changer son étoile s’il sait quoi faire, comment le faire et surtout, s’il le fait.
Un article comme ça pourrait amener d’autres gens qui vivent une passe plus sombre ici et y voir de l’espoir.
Merci